« Plutôt que de se percevoir comme une forteresse assiégée, l’école doit être en symbiose avec la société, comme une maison et un bien commun », déclarait récemment un représentant de la Dgesco, en ouverture de la conférence de consensus du Cnesco.
Selon lui, « l’école doit s’appuyer sur les savoirs acquis en dehors pour enrichir les relations élève-professeur ». Or, « l’école les dévalorise souvent, les voyant parfois comme concurrents de la transmission académique ». Il ajoute que l’intégration des compétences numériques acquises en dehors de l’école reste « un impensé au niveau ministériel ».
Pour l’instant, concernant les écrans, la tendance est au pamphlet, avec une déformation des analyses de la Commission d'experts missionnée par le Président de la République en début d'année.
Nous, professionnels de l’éducation, chercheurs, associations, entrepreneurs, alertons sur les dérives de l’amalgame “écrans, réseaux sociaux et numérique éducatif”.
L'école n'est pas “numérisée”. Les données du Ministère en témoignent : les enseignants se plaignent d’équipements vétustes et de la faible connectivité, rendant difficile la mise en place de pédagogies innovantes adaptées aux élèves.
Ce n'est pas l'usage du numérique à l'école qui pose problème. L’école offre un temps structuré, protégé, dédié au développement de l’intelligence et sécurisé par le Ministère. Ce temps mérite d’être valorisé : les contenus numériques peuvent soutenir les apprentissages, s’ils sont accompagnés d’une formation adaptée. Ils facilitent la différenciation pédagogique dans des classes de plus en plus hétérogènes et sont une opportunité extraordinaire pour les élèves à besoins particuliers.
Plutôt que d’accuser l’école d’ «hyper-numérisation », il serait plus juste et efficace de s’attaquer aux géants étrangers du secteur dont les modèles économiques reposent sur la captation des données y compris celles des enfants et sur des designs volontairement addictogènes. À l’opposé, la filière française du numérique éducatif œuvre pour un numérique responsable, respectueux des données et de l’attention des élèves.
Notre République a besoin d'une école publique qui fait mieux, sur plusieurs plans :
Pour relever ces défis, nous proposons un chemin.
Ce chemin s’écrit alors que les IA génératives, l'éducation aux médias et à l’information et la capacité de discernement prennent une importance croissante. Ceci n’est ni une fatalité, ni un danger. Il s’agit de promouvoir une éducation graduée au et par le numérique, encadrée et maîtrisée, ayant pleinement sa place à l’école et dans la formation des enseignants. Si l’école ne remplit pas ce rôle, comment les jeunes apprendront-ils, de manière équitable, un usage raisonné et citoyen du numérique ?
L’école doit jouer un rôle essentiel dans l’éducation au numérique, pour assurer la prise en main critique des technologies et offrir un cadre protégé du cyberharcèlement et des usages délétères des réseaux sociaux.
L’école et ses partenaires doivent faire le choix d’une meilleure réussite éducative par le numérique. Nombre de ressources numériques éducatives françaises, construites à partir des données issues de la recherche scientifique, ont fait la preuve de leur utilité pédagogique. Elles permettent d’acquérir des compétences de manière plus fluide, intuitive et adaptée aux réalités contemporaines. Elles peuvent contribuer à éviter le décrochage, la déscolarisation et les biais liés au genre ou à l’origine sociale observées dans l'évaluation des compétences des élèves. Elles stimulent la curiosité et la confiance. Loin des écrans qui isolent et accaparent.
Ce chemin que nous proposons implique la formation des enseignants et l’évaluation avant toute utilisation généralisée de ces outils.
Ayons cette ambition pour notre école et pour tous nos enfants.